Dans l’histoire du Yucatán, il est un événement majeur qui survient dans le milieu du XIXème siècle qui permet de mieux comprendre le pays.

En 1821, le Mexique et le Yucatán déclarent conjointement leur indépendance vis-à-vis de l’Espagne. Le Yucatán intègre le Mexique en 1823. Le Mexique se dote d’une constitution en 1824, proclamant l’égalité entre tous les individus, et abolit les distinctions de race. En 1829, le Mexique abolit l’esclavage (pour rappel, l’esclavage est définitivement aboli en France par la loi du 27 avril 1848 ; il est aboli aux Etats-Unis par la loi du 18 décembre 1865, à l’issue de la guerre de sécession).

Si le Yucatán a intégré le Mexique en 1823, il subsiste un fort sentiment régional qui résiste à la tendance centralisatrice de Mexico. Des velléités indépendantistes voient le jour. Le Yucatán est déchiré entre Mérida, l’indépendantiste, et Campeche, la légitimiste. Mérida est la ville où vit la plus forte communauté blanche. Y vivent également des métis et des indiens asservis. Le port de Campeche a construit sa richesse sur l’exportation des matières premières et a besoin de Mexico pour protéger ses routes commerciales. Dans le reste du Yucatán, le pouvoir est morcelé. Dans le centre de la péninsule, il est partagé en petites communautés, espagnoles, métis ou mayas qui exercent un contrôle sur les populations paysannes mayas. Au sud, le pays est recouvert par la forêt tropicale et les mayas vivent libres de toute contrainte.

La fin de la tutelle espagnole, réduit les échanges commerciaux avec Cuba. Le Yucatán développe ses propres cultures de canne à sucre, pour remplacer le sucre cubain. Progressivement, les élites de la région investissent le sud du pays qui bénéficient de terres plus fertiles et plus arrosées, réduisant au fur et à mesure les espaces où les mayas évoluent librement. Le développement fulgurant de la canne à sucre apporte une prospérité nouvelle à Mérida, qui vote en 1846 pour l’indépendance de la province. Un conflit s’engage avec Mexico et Campeche, restée fidèle à la capitale fédérale. Dans le même temps, Mexico entre en conflit avec les Etats-Unis, auxquels le Texas vient de demander son rattachement (1845-1848). Le Yucatán autour de Mérida, bénéficie de cette situation et parvient à préserver l’intégrité de son territoire. Dans ce conflit, les mayas sont utilisés comme chairs à canon entre les deux camps.

Si les frontières du Yucatán semblent sauvegardées pour un temps, la situation se dégrade à l’intérieur du pays. La disparation progressive de leur terre, l’exploitation par les élites de Mérida et les séquelles du conflit armé, poussent les mayas à la révolte. Les batabs, les chefs de clans mayas, seraient à l’origine du déclenchement de la Guerre des Castes, considérée comme la plus longue des rébellions paysannes d’Amérique latine. 85.000 personnes se seraient ainsi soulevées contre la domination exercée par l’élite blanche. Les révoltés mayas trouvent un appui en arme du côté de l’Angleterre qui cherche à étendre son influence dans la région. Au début de l’année 1848, les yucatèques sont tellement affaiblis qu’ils envisagent une évacuation de la péninsule. Le gouverneur propose un rattachement de la péninsule aux Etats-Unis pour trouver un soutien armé. Mais les Etats-Unis rejettent la proposition et mettent comme condition à la fourniture d’armes, la réintégration du Yucatán dans la fédération mexicaine. Forcée de s’allier de nouveau avec Mexico, Mérida parvient à stabiliser la situation et regagne progressivement du territoire. Le conflit va se transformer en une guerrilla qui durera officiellement jusqu’en 1901. En 1858, le Mexique créé l’Etat du Campeche et partitionne ainsi le Yucatán, au détriment de Mérida, meurtrie et appauvrie par le conflit.

Les mayas, quant à eux, payeront cher ce conflit. Après la fin officielle de la guerre, la plupart d’entre eux se retrouvent dans des conditions misérables.

 

Référence : Les Mayas et Cancún, Lucie Dufresne (publié aux Presses de l’Université de Montréal)