Les aborigènes constituent la population autochtone de l’Australie. Les scientifiques considèrent que ce peuple a vécu isolé du reste du monde depuis 50.000 ans jusqu’à l’arrivée des européens au XVIIIème siècle. A l’arrivée de James Cook, en 1770, les aborigènes étaient un peuple de cueilleurs-chasseurs, constitué en 250 tribus occupant l’ensemble de l’Australie. Leur culture, reposant sur la tradition orale, était la plus ancienne sur Terre. Le XIXème siècle est marqué par la colonisation progressive des terres par les européens et les conflits armés qui en résultent. Les aborigènes sont peu à peu contraints d’abandonnés leurs terres. Ils sont déportés, transformés en cultivateurs, évangélisés…

A la naissance de l’Australie en tant qu’Etat fédéral du Commonwealth, en 1901, le droit de vote n’est pas accordé aux aborigènes au niveau fédéral. Seuls ceux qui sont inscrits sur les listes électorales d’une province sont autorisés à voter. Or l’essentiel d’entre eux ne satisfont pas à cette exigence. A partir de 1910, l’Australie mène vis-à-vis du peuple aborigène une politique d’assimilation forcée, en procédant, notamment, à l’enlèvement d’enfants indigènes de leurs familles. Les enfants ainsi enlevés sont souvent des métis de mère aborigène et de père blanc. Ces pratiques ne cesseront qu’en 1970.

Les droits des aborigènes progressent lentement tout au long du XXème siècle et ce n’est qu’en 1962, que le Commonwealth Electoral Act déclare que tous les indigènes ont le droit de s’inscrire et de voter aux élections fédérales. En dépit de cette évolution des lois, les aborigènes continuent d’être traités comme des citoyens de second rang. En 1992, le discours du premier ministre Paul Keating, appelle les australiens à reconnaître les torts causés au peuple aborigène, marquant une étape symbolique importante dans la réconciliation des communautés. Quelques aborigènes célèbres, artistes ou sportifs, contribuent à faire connaître les souffrances de leur peuple et deviennent des exemples de réussite. C’est le cas, par exemple, de Mark Ella, demi de mêlée, capitaine du XV d’Australie en 1982, ou encore de Cathy Freeman, championne du monde et championne olympique de 400 m, dernière porteuse de la flamme olympique aux jeux de Sydney, en 2000. Comment ne pas se dire, malgré tout, que ces athlètes sont des contre-exemples qui cachent la réalité que vit le peuple aborigène.

Alors que la population aborigène comptait entre 350.000 et 700.000 individus, à l’arrivée des européens, elle avait chuté en-dessous de 100.000 en 1920. Aujourd’hui, la population d’origine aborigène est estimée à 670.000 individus. Des territoires, représentant environ 10% de la surface de l’Australie, leur sont réservés. L’arrivée des européens a induit un bouleversement dans leur culture multi-millénaire reposant sur une vie en harmonie avec le territoire qu’ils occupaient. Leur territoire s’est réduit, leur population a été décimée par les conflits, les maladies, les famines, la transmission orale a souvent été mise à mal par les déportations, l’évangélisation, la sédentarisation forcée, les enlèvements, leurs valeurs ont été bousculées par le contact avec la civilisation européenne. Aujourd’hui, les aborigènes sont invisibles dans les villes. Il doit bien y en avoir. Mais nous n’en avons vu aucun à Sydney ou à Melbourne. Tout se passe comme s’il existait deux pays à l’intérieur de l’Australie : le pays des européens et le pays des aborigènes. En dépit des communications sur l’importance de la culture aborigène, qui a probablement eu une réelle influence sur ce qu’est devenu l’Australie, les points de contact semblent rares. On voit des tableaux et des oeuvres aborigènes dans les musées. En revanche, les personnes sont invisibles. Il y a du racisme. Mais je suis aussi convaincu que bon nombre d’australiens d’origine européenne ne sont pas racistes et ont hérité d’une histoire qui les a éloignés du peuple indigène. Espérons que les jeunes générations sauront oeuvrer pour renouer des liens distendus entre les communautés.

Il reste que les citoyens australiens d’origine aborigène sont écartelés entre deux voies qui semblent incompatibles : vivre à la manière de leurs ancêtres à l’écart de la société australienne sur des territoires réservés, au risque d’être dans l’incapacité de défendre leurs droits, ou, accepter de se former et d’étudier pour peser davantage dans les organes de gouvernance des provinces ou de l’état fédéral, au prix d’un renoncement aux modes de vie ancestraux. Comment trouver un chemin intermédiaire entre ces deux voies?


Oeuvres aborigènes exposées au Musée des Beaux Arts de Sydney