Une nouvelle phase du voyage, un regard sur la France

Depuis quelques semaines, j’ai l’impression d’être passé dans une nouvelle phase de notre voyage. Maintenant, nous commençons à bien maîtriser tous les aspects du voyage : transports en avion, en bus, en train ou en bateau ; location de véhicules ; gestion des logements en location ou en hôtels ; courses alimentaires ou restaurants ; visites et promenades ; cours des filles ; faire les bagages, les défaire et les refaire ; gestion des devises…

Pourtant, être nomade n’est pas quelque chose d’évident quand on a été sédentaire toute sa vie. Chaque changement est source de stress. Quitter un lieu que l’on connaît, où on a ses marques, ses habitudes, pour se rendre dans un nouveau lieu que l’on ne connaît pas est inquiétant. Chacun connaît cette appréhension face à l’inconnu. Rendre un véhicule de location c’est craindre que le loueur nous impute une réparation indue. Découvrir une nouvelle chambre d’hôtel ou une nouvelle location c’est possiblement être déçu. Voyager, quelque soit le moyen de transport, c’est courir le risque de rencontrer des imprévus : un avion en retard, une grève qui bloque une route (!), une correspondance manquée, une erreur d’horaire, un bagage perdu… Voyager, c’est parfois prendre le risque de se faire voler. Le voyageur est en situation de faiblesse : il a tout avec lui, il est encombré avec ses bagages, il ne peut pas courir, il n’a pas de protection, il a éventuellement de l’argent liquide ou des objets de valeur… Le voyageur évolue dans des environnements inconnus, des lieux où il ne maîtrise pas la langue, où il ne connaît pas les codes et les habitudes…

Quand on part en voyage pour une longue durée, on apprend progressivement à se détacher de ces petites inquiétudes du quotidien. On apprend à les dominer et à prendre les événements qui viennent avec davantage de détachement.

Aujourd’hui, après 4 mois de voyage, mon esprit est de moins en moins occupé par ces aspects matériels. Bien sûr, je continue d’y penser pour anticiper et faire que les choses se passent au mieux. Mais la pratique aidant, tout va plus vite et tout semble plus fluide. Cela me permet de profiter encore plus du plaisir de la découverte. Et je dois dire que nous avons été gâtés. Depuis notre départ de Paris, j’ai l’impression de rencontrer beaucoup de gens bienveillants, accueillants, agréables. Et pourtant, en de nombreux lieux, la pauvreté est présente. Malgré cela, les femmes et les hommes que nous rencontrons, dans leur immense majorité, semblent heureux de vivre, tout simplement. Cela fait du bien.

J’entre dans une nouvelle phase du voyage, qui me laisse du temps pour réfléchir également. Mettre sa vie professionnelle entre parenthèses pendant un an n’est pas rien. C’est une chance. C’est une occasion également de réfléchir à la situation du Monde. Je pense que j’aurais l’occasion d’en reparler prochainement. Disons simplement que je trouve notre Monde inquiétant. La situation écologique est catastrophique. Voyager me donne l’occasion de voir la beauté de la nature et exacerbe mon inquiétude. Voyager me permet également de comparer la situation de la France avec les autres pays. Et je me dis que l’on ne mesure pas la chance que nous avons.

J’ai gardé mon abonnement électronique au journal Le Monde. Je suis également abonné au news de France Info. Cela me permet de lire les nouvelles sur la France et le Monde. Je suis effaré de la situation en France. Je sens que la République est menacée. Nous vivons des moments dangereux. Je pense que chacun doit bien mesurer le risque réel et agir avec responsabilité, dans ses propos et dans ses actes. Le temps n’est pas à la désinvolture, à la dérision ou à la complaisance. Le Monde est de plus en plus instable du fait du dérèglement climatique et des crises qui en découlent. La priorité doit être la solidarité, l’écoute, le respect, la responsabilité. Si la société française ne retrouve pas le chemin de la cohésion nationale, la France sera balayée par le vent de l’Histoire et s’effondrera. Et cela n’est pas la responsabilité d’un homme, mais de chacun.

 

4 commentaires

  1. Tout à fait d’accord avec ton analyse sur la France. Je pense que c’est en voyageant en autonomie, hors de toute structure organisée et au long cours que l’on peut ainsi appréhender la France et ses problèmes… Bonne suite de voyage !

  2. Je me réjouis que votre voyage se passe si bien et que vous réussissiez à apprécier autant le plaisir de la découverte et que l’intendance ne soit pas au centre de vos préoccupations.

    S’agissant de la situation de la France, il y a tellement à dire…
    Ma position est la suivante : je me considère comme un défenseur sans limites de la démocratie et de la liberté, c’est pourquoi le mouvement qui est né il a quelques semaines et qui a eu pour mot d’ordre de bloquer certains secteurs routiers ne correspond pas aux valeurs que j’essaye de défendre depuis des années.

    En effet, je suis totalement contre l’idée de blocage, on peut très bien se positionner sur un rond-point, une place, un péage pour faire ralentir les véhicules et expliquer ses revendications, mais selon moi, il est inadmissible de ne pas laisser passer un véhicule, c’est une entrave profonde à la liberté de chacun. D’ailleurs, dès le premier samedi de ce mouvement, ses partisans étaient déjà divisés, puisque certains étaient en faveur du blocage total et donc voulaient simplement expliquer leurs revendications. Pour la petite histoire, à de nombreux barrages, les véhicules sont contraints de positionner un gilet jaune sur leur pare-brise ou de signer une pétition pour la démission de Macron pour avoir le droit de passer, mais on en est où au niveau de la démocratie et le respect des idées ?

    Sur les revendications, que dire ??? Je peux citer pêle-mêle, la démission de Macron, la limitation des hauts salaires à 15’000 euros par mois, le Smic à 1’500 euros par mois, la retrait à 60 ans, la réévaluation des retraites, la reconduite des clandestins à la frontière, la régularisation des clandestins, le retour de la limitation de 90 k/heure sur les routes, la suppression des radars …

    Comme Philippe, tu as souvent dit dans tes articles, la misère, le dénuement sont très présents quand tu commences à sortir hors de France. Pour les questions d’âge à la retraite, montants des retraites, système de santé, droit aux études, sans aller jusqu’en Amérique du Sud, rien qu’en comparant avec les autres pays d’Europe, la France n’est pas si mal.

    A cela s’est ensuite ajouté la violence qui à mes yeux ne peut en aucun cas être justifiée. Il est vrai aussi que de nombreux groupes qui n’ont rien à voir avec le mouvement ont décidé de se greffer par opportunisme.Et je trouve d’ailleurs que nombre de portes-paroles de ce mouvement ont un discours pour le moins ambigu, puisqu’ils ne condamnent souvent pas clairement cette violence. Ce mouvement ne prône pas vraiment l’anti-violence, et rien que pour cela je m’y oppose.

    Pour terminer, je tiens quand même à dire que je ne suis pas un fervent partisan de ce gouvernement qui ne va, à mon goût, pas assez loin au niveau de l’Ecologie (projet de mine d’or en Guyane, Huile de palme de Total, baisse des tarifs pour la chasse…).

    J’espère naïvement que les valeurs de respect, pacifisme, écoute de l’autre reviennent vite dans ce pays, car sans cela, il sera difficile de trouver des solutions apaisées.

    Je tiens d’avance à m’excuser d’avoir utilisé ton blog pour créer une tribune polémique et politique. Comme tu as tendu la perche dans le dernier paragraphe, je n’ai pas pu m’en empêcher.

    Voilà, on est le samedi 8 décembre, il est 11h42, et j’avoue craindre de me positionner sur France Info (télé ou radio) pour entendre les nouvelles exactions…

    • Philippe

      10 décembre 2018 at 00:36

      Bonjour, je partage ton point de vue. J’ajoute 2 ou 3 choses. Une frange de plus en plus grande de la société française rejette les règles de la démocratie représentative. Ce sont les fondements mêmes de notre constitution qui sont mis en cause. Ce n’est pas anodin que les symboles de la République aient été souillés par certains. La menace totalitariste est réelle. Pour autant, certains français souffrent. Que cette souffrance soit justifiée ou non, cela a finalement peu d’importance. C’est le ressenti qui compte. Il est très important que le gouvernement travaille à reconstruire une cohésion nationale. Je pense que c’est le devoir des républicains, quels que soient leurs opinions politiques, de l’aider à y parvenir. Le jeu démocratique pourra ainsi continuer de s’exercer. Sinon, ce seront tous les républicains qui seront perdants et les extrêmes de gauche ou de droite qui s’imposeront? Et cela pourrait nous mener à la guerre civile. Certains ont joué avec le feu ces derniers temps. Il est temps de reprendre de la hauteur. Enfin, je veux conclure en disant que le Monde va être bousculé par des événements majeurs dans les années à venir. Seuls les pays qui seront soudés et capables de s’adapter rapidement pourront passer les crises avec le moins de conséquences négatives. Et cela rend encore plus prégnante l’exigence première de travailler à la cohésion nationale.

      • Un étranger disait sur une radio : « les Français vivent dans un paradis mais il se croient en enfer ! » C’est sûr que nous ne sommes pas dans la misère, mais si les gilets jaunes existent, c’est qu’il y a eu une stratégie avérée de sape des corps intermédiaires de notre société et des contre-pouvoirs syndicaux. La concertation oblige ceux qui la prônent à prendre en compte, au moins pour partie, les attentes exprimées ; sinon cela décrédibilise le jeu et les parties prenantes de la concertation. La colère et les excès des gilets jaunes ont pris la place de cet espace devenu vide. Sous le faux-nez (pour la plupart mais pas de tous) des fins de mois difficiles je vois chez les gilets jaunes l’expression d’un trop plein d’inégalités et d’injustices sociales.

        Quelques exemples non exhaustifs : comment peut-on taxer le diesel au nom de la transition écologique et utiliser cet argent pour réduire le déficit ? Comment peut-on exonérer les avions de cette taxe : quelles sont les personnes qui prennent l’avion pour leur travail et quels celles qui prennent la voiture pour leur travail ? Comment peut-on augmenter la CSG sur les petites retraites et diminuer une partie de l’ISF ? Une politique d’amélioration des investissements des entreprises sera sans gains pour l’emploi s’il y a conjointement une réduction du pouvoir d’achat des consommateurs. (mais ou est passé le « en même temps ») Alors, la violence de certains gilets jaunes, bien que je ne l’excuse pas, je la comprends : elle répond à la violence d’un système et d’une politique menée depuis 18 mois. Cioran (je crois mais n’en suis pas sur) disait : « on parle toujours de la violence du fleuve qui déborde, jamais de celle des rives qui l’enserre. » Merci à « leffetvertigo » d’avoir ouvert cet échange. Signé : un macroniste déçu ☺

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